dimanche 20 mai 2018

Planetfall



Emma Newman - Planetfall - J’ai lu









« Touchée par la grâce, Lee Suh-Mi a reçu la vision d'une planète lointaine, un éden où serait révélé aux hommes le secret de leur place dans l'Univers. Sa conviction est telle qu'elle a entraîné plusieurs centaines de fidèles dans ce voyage sans retour à la rencontre de leur créateur. Vingt-deux ans se sont écoulés depuis qu'ils ont établi leur colonie au pied d'une énigmatique structure extraterrestre, la Cité de Dieu, dans laquelle Lee Suh-Mi a disparu depuis lors. »


L’introspection - Annihilation -, le huis clos - Planetfall -, sont ils les nouveaux territoires d’investigation de la littérature de science-fiction, qui malgré l’épisode de la new wave ne s’est jamais totalement départie de ses récits d’exploration ? L’irruption de la britannique Emma Newman dans le paysage romanesque le laisse en effet supposer. Planetfall paru en France en 2017 est le premier volet d’un cycle complété par After Atlas disponible cette année en J’ai lu millénaire.


L’intrigue renoue avec le vieux thème de la place de la religion dans le futur. Emma Newman en emprunte les traits les plus saillants : l’imposture de « L’étoile » d’Arthur Clarke et la folie prophétique du Tom O'Bedlam de Robert Silverberg. Mais son talent propulse un texte déjà psychologiquement et symboliquement dense à la hauteur d’une tragédie.


Renata Ghali est le personnage central de ce drame. Ingénieur, elle a connu Lee Suh-Mi lors de ses années universitaires. Entre les deux jeunes femmes qui partageaient le même appartement, s’est nouée une amitié profonde. Avec Mack, chef de l’expédition, elles forment le trio fondateur d’une colonie humaine partie rencontrer Dieu sur une planète étrangère. Lorsque la prophétesse disparaît dans des conditions mystérieuses, les deux survivants s’efforcent de maintenir la cohésion et la foi du groupe. Vingt deux années plus tard l’arrivée inopinée du petit-fils de Lee met à mal l’édifice religieux entretenu tant bien que mal. Le piège va alors se refermer sur Renata.


Emma Newman conte avec habileté la plongée progressive de son héroïne dans la folie. Les géniteurs, sans surprise, posent les premières banderilles de la fragilisation psychologique. Le père est un homme bon, rationnel mais peu influent. Il n’est pas innocent que dès la première page, la figure maternelle soit associée au Broyeur, un outil de recyclage de matériel indispensable à la survie de la communauté expatriée. La mère broyeuse, divorcée et hostile, va ainsi poursuivre son action délétère, suscitant chez sa fille un syndrome de Diogène. Renata ne recycle rien, mais accumule tout. Elle tente de rassembler sa personnalité. Tout aussi significative est la description utérine de la Cité de Dieu dans laquelle elle s’aventure à loisir, comme un écho au final de 2001 l’odyssée de l’espace. L’écrivain sème ainsi des figures symboliques de traumatisme (le ver par exemple) tout au long du roman.


Pauvre Renata, croyant, à l’image d’un Saint Augustin, quitter la cité terrestre, du mensonge (« Comment lui décrire la foule, les vieux bâtiments, ce monde marchant à l’argent et au prestige ? ») pour la Cité de Dieu c'est à dire de la vérité… Voilà un sacré récit au dénouement en forme de double uppercut, qui ne dépareillerait pas aux côtés d’Un Cantique pour Leibowitz ou d’Un cas de conscience. Mention bien à la graphiste de l’élégante couverture, qui a tout compris.

2 commentaires:

Le Maki a dit…

Ne te reste plus qu'à lire After Atlas qui en étant tout a fait différent est de la même qualité (voire meilleur !). Emma Newman a le chic pour dépeindre des personnages torturés.

Soleil vert a dit…

ok !
Merci Yogo