mardi 12 mars 2013

L’une rêve, l’autre pas

Nancy Kress - L’une rêve, l’autre pas - Editions Actusf



Rééditée en fin d’année 2012 aux éditions Actusf, L’une rêve, l’autre pas est une novella de Nancy Kress publiée originellement en 1993 dans une des anthologies d’Isaac Asimov.
Que connaît-t-on de cette auteure américaine ? Principalement le Cycle de la probabilité, une trilogie de space-opera, ainsi qu’un certain nombre de romans et de novella, un genre qu’affectionne l’écrivaine, à l’image du titre précité, plusieurs fois primé. Comme dans Les hommes dénaturés Nancy Kress y élabore une réflexion morale et sociale autour du développement du génie génétique.

Leisha est une jeune femme génétiquement modifiée. Ainsi l’a voulu son père, Roger Camden, un homme d’affaires ambitieux qui, comme Kenzo Yagai l’inventeur de « l’énergie Y », prône une société fondée sur la méritocratie. Leisha ne dort pas. Elle consacre ce surplus de temps à ses études puis à ses activités professionnelles. Comme tous ses semblables – une vingtaine de bébés au départ -, elle bénéficie d’un QI élevé. Leisha a aussi une sœur jumelle Alice, non traitée. Alice, comme sa mère, tente de survivre dans un univers familial étouffant en marche vers Le meilleur des mondes. Mais la sœur prodige et le groupe des Non-Dormeurs doivent à leur tour affronter un problème de taille : l’hostilité des Dormeurs.

Nancy Kress oriente naturellement son récit dans deux directions.
Tout d’abord, celui d’un roman d’apprentissage dont les personnages principaux évoquent ceux de Sense and Sensibility, une oeuvre classique de Jane Austen. Alice et Leisha Camden héritent en effet des profils psychologiques de Marianne et Elinor Dashwood. La « raisonnable » Leisha et l’enfant non désirée, l’impulsive Alice, vont apprendre à se connaître et apprécier leurs différences. Différences qu’elles devront imposer à une société d’hommes symbolisée par Roger Camden, le père surprotecteur de Leisha qui sacrifie ses deux épouses successives à son ambition, Kenzo Yagai et Toni un Non-Dormeur partisan d’une sécession d’avec les Dormeurs.

Dans la veine d’une tradition littéraire américaine sur la haine raciale, L’une rêve, l’autre pas traite aussi de la difficile intégration d’une communauté minoritaire. Quelle attitude adopter vis à vis du reste de l’humanité : la fuite, l’affrontement ou le dialogue ? Le débat entre Leisha et Toni rappelle celui de Charles Xavier et Magneto, deux figures emblématiques de mutants des comics Marvel. Il faut dire que la science-fiction n’est pas en reste dans ce domaine depuis A la poursuite des Slans de A.E Van Vogt ou Les plus qu’humains de Théodore Sturgeon.

Nancy Kress raconte tout cela avec une maîtrise, une sensibilité et une finesse psychologique dignes de Ursula Le Guin et Kate Wilhelm. Mais on sent que le sujet n’est pas épuisé. Quelle entreprise ne souhaiterait disposer de travailleurs disponibles 24h sur 24 ? Quelle société en résulterait ? Et quels mystères habitent ces esprits sans rêve qui brillent d’une flamme plus vive et cependant inépuisable ?

Aucun commentaire: