dimanche 14 septembre 2014

Barrière mentale



Poul Anderson – Barrière mentale et autres récits – Le Bélial’



Avec Barrière mentale, Le Bélial’ poursuit sa réédition des oeuvres majeures de Poul Anderson. Un véritable défi, car pour nombre d’ouvrages jeunesse ou science-fiction publiés dans les décennies 50, 60, 70, le travail de retraduction ne se limite pas aujourd’hui à une simple révision des textes, mais à une véritable entreprise de restauration. En effet dans la période des trente glorieuses, certains éditeurs rognaient les récits à hauteur du montant supposé de l’argent de poche consenti aux enfants et aux adolescents. Qui a pu lire les productions de Jack London, Paul Féval ou Robert E. Howard recalibrées à la tronçonneuse, se réjouira de découvrir ici un roman enfin complet enrichi comme d’habitude d’une préface et d’une postface.

Après la virée folle au fin fond de l'univers de Tau Zéro,  Poul Anderson plonge son lecteur dans les mystères de l’esprit humain. Dans Barrière mentale, le système solaire cesse de subir les effets d’un champ de force inconnu qui depuis des éons perturbait le fonctionnement électrochimique des neurones des êtres vivants. L’Humanité, mais aussi les animaux sont alors confrontés à un accroissement subit de leurs capacités cérébrales. Le chaos s’installe dans les consciences comme dans les sociétés. Contraint de s’adapter à cette situation comme leurs concitoyens, un petit groupe de savants et de responsables comprend que seule la réalisation d’un projet grandiose à la mesure de leurs nouvelles potentialités permettront aux humains d’échapper à la folie.

Comment concevoir une société, un monde peuplé subitement de génies ? Poul Anderson trouve une réponse évidente : c’est une catastrophe à court terme, pour la simple raison que des millions d’individus occupés jusque là à des tâches d’exécution répétitives délaissent du jour au lendemain leurs activités. Il évite ainsi de s’interroger sur la nature d’organisations sociales et économiques conçues par des humains surintelligents. Autrement dit il délaisse l’utopie au profit d’une route des étoiles un peu convenue mais de mise dans les romans de cette époque.
Les personnages sont réussis. Voilà la bonne surprise de ce texte. En particulier Sheila la femme du scientifique Pete Corinth. Il faudra attendre « Né avec les morts » de Robert Silverberg pour retrouver une description aussi poignante de la fin d’un couple. Mais bien évidemment comme le souligne Jean-Daniel Brèque c’est au chef d’œuvre de Daniel Keyes Des fleurs pour Algernoon, postérieur au récit de Poul Anderson (!) que l’on pense.

Inutile de bouder son plaisir, Barrière mentale est un très estimable roman de science-fiction à l’ancienne, avec un  final « Simakien ». Les trois nouvelles jointes à l’ouvrage, un peu anecdotiques, complètent la thématique. La postface est moins intéressante que celle de Tau Zéro. La faute à l’état d’avancement des neurosciences. Que voulez vous, le cerveau, c’est comme la lune, quelquefois on y débarque … Allez, assez de pinaillage, bravo à l’équipe du Bélial’.

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