jeudi 24 octobre 2013

7 secondes pour devenir un aigle


Thomas Day - 7 secondes pour devenir un aigle - Denoël Lunes d’encre


« L’homme va droit dans le mur ».
Dans 7 secondes pour devenir un aigle Thomas Day reprend à son compte - et parfois de façon littérale - une réflexion de Hubert Reeves. Fable écologique sans concession, son nouveau recueil explore les trous noirs de la planète, comme Fukushima dans « Shikata gan ai », ou prend à témoin les laissés pour compte de l’Humanité, - les indiens du récit «7 secondes pour devenir un aigle» ou les aborigènes australiens de « Tjukurpa ».
Six nouvelles inédites ou extraites d’anthologies antérieures qui prennent acte du divorce irrémédiable prononcé entre l’homme et son environnement. L’un exclut l’autre.
Tel est peut-être le sens métaphorique de « Mariposa » : l’arbre à papillon de l’île d’Onibaba, doté de vertus médicinales, n’ y fleurit qu’à une condition tragique. C’est donnant donnant avec la Nature… «7 secondes … » relate l’odyssée vengeresse d’un indien sioux contre une entreprise pétrolière. « Tjukurpa » s’en inspire, la rage en moins. Traquant et traqués par l’homme blanc, des aborigènes se réfugient dans l’Australie de leur rêve. Le très beau récit « Ethologie du tigre » - entre Kipling et Shepard - voit un vétérinaire accompagner une tigresse sur la voie de l’extinction. « Lumière noire » avance enfin une planche de salut. L’Humanité peut survivre à condition qu’on lui ôte ses dents. C’est une Machine qui exécute la sentence, dans une ambiance à la Terminator.
On laissera de côté « Shikata gan ai » moins convainquant, mais comment passer après Stalker ?

On devine chez l’auteur le souci toujours présent de préserver la cohésion et le sens du récit. L’écriture coule ou cogne avec facilité mais sans artificialité et toujours au service de la narration. Un ensemble remarquable, « Ethologie du tigre » en tête, dans un packaging aux petits oignons.

Un mot rapide pour faire suite à la postface de Yannick Rumpala. Comment la littérature de science-fiction interprète t-elle les bouleversements écologiques provoqués par l’Homme, comment traduit elle les peurs que ces événements suscitent, quelles leçons en tire t-elle, quel futur imagine t-elle ?
On sait qu’un être vivant réagit de trois façons possible à un danger : la paralysie, l’affrontement, ou la fuite. En lien avec ces comportements, les auteurs de science-fiction ont modélisé trois voies littéraires. La piste du catastrophisme explorée depuis Wells et dont témoignent Soleil vert et Les Monades urbaines cités par l’essayiste. Celle de l’affranchissement, empruntée par le courant cyberpunk : l’homme crée son propre environnement à l’instar de l’univers de La Schismatrice imaginé par Bruce Sterling. Enfin l’enfouissement dans les mondes virtuels décrit par Greg Egan dans La cité des permutants.

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