mercredi 9 décembre 2015

Manga : L’oiseau bleu



Takashi Murakami - L’oiseau bleu - Éditions Ki-oon Latitudes




La parution récente de L’oiseau bleu est l’occasion de démarrer un mini-cycle consacré à Takashi Murakami. On ne confondra pas ce mangaka né à Osaka au Japon en 1965, avec un artiste homonyme qui exposa au Château de Versailles. Peu de ses mangas ont été traduits en France où la parution du Chien gardien d’étoiles fit impression. Comment décrire ses œuvres ? Une poésie douce amère filtre au travers de sombres récits mettant en scène des personnages multi générationnels d’une même famille. On y découvre le quotidien de petites gens, employés, ouvriers, qui affrontent dignement un destin contraire.


Dans ce registre l’oiseau bleu déploie une dramaturgie inhabituelle. Les trois récits qui le composent ont été inspirés à l’auteur par le tsunami de mars 2011. Telle est la pierre de Sisyphe japonaise, reconstruire perpétuellement et survivre. D’autres ont métaphorisé l’angoisse de la destruction et de la mort en créant pour un jeune public L’attaque des Titans ou Monster. Ce Seinen par contre raconte simplement et cruellement les tragédies de la vie, la perte d’un enfant, la lutte d’une femme pour sortir son mari d’un coma, la lente descente d’un vieil homme dans la démence. La force de Takashi Murakami consiste à dépasser cet empilement de souffrances pour en dégager un sens et un espoir.  




 
Il parvient à ce résultat en créant d’abord une continuité subtile entre trois histoires. Dans la première Yuki, son mari Naoki et leur petit garçon Shu voient leur existence brisée par un accident de voiture. Sortie indemne,Yuki nie la mort de son enfant tout en s’efforçant de ramener son époux à la conscience, dans le vain espoir de ressusciter la vie d’antan.. L’auteur raconte par le menu le combat quotidien de cette femme, qui rappellera à certains le douloureux débat français sur l’acharnement thérapeutique. Le second texte relate un épisode de la jeunesse du père de Naoki, Hidéo. Travaillant dans une aciérie, il garde le soir l’enfant d’un ouvrier qui effectue des heures supplémentaires pour lui payer des études, jusqu’au jour où survient un accident tragique. Les fils des deux premiers épisodes se nouent dans la dernière partie, et les survivants se rassemblent. Hidéo sombre lentement dans un Alzheimer, mais la conclusion qui voit le vieil homme dominer son destin est tout simplement admirable.


Le graphisme, aux vertus essentiellement narratives, n’appelle pas de reproche. On retrouve en couverture le beau champ de tournesol du Chien gardien d’étoiles. Il ne reste plus qu’à quitter ce manga dont on ne sort pas indemne, et dont le titre est repris d’une très vieille pièce de théâtre de Maurice Maeterlinck.





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