lundi 9 juin 2014

Ada

Masaki Yamada - Ada - Actes Sud







Vous ai-je parlé de mon cardiologue ? Il ressemble à Christopher Priest, avec 20 ans de moins. L’étonnement passé, allongé sur une table médicale, j’ai contemplé par le biais d’une échographie, l’archipel de mon cœur sur un écran plat. Comme dans les romans de l’auteur britannique, sa forme mouvante empêchait, à mes yeux de profane, d’en tracer le contour exact. Des étoiles rouges ou vertes s’allumaient par instant, signes d’une activité maritime mystérieuse. Le temps ne m’a pas été donné d’approfondir cette vision et je me suis contenté de saluer un compagnon secret et infatigable.


Considérations personnelles certes, mais pour signifier que l’intrusion de la fiction dans le réel, prétexte à la création d’univers parallèles, est précisément le sujet de Ada, un roman de Masaki Yamada. Ada, fille de Lord Byron et collaboratrice de Charles Babbage avait déjà fait l’objet d’une remarquable uchronie aux couleurs steampunk, La machine à différences (1). Trois récits s’entremêlent dans le roman de l’écrivain japonais. L’un a pour cadre une ancienne capitale de l’empire Perse où s’affrontent les forces du Bien et du Mal par la bouche de deux conteurs. Le suivant se situe dans l’Angleterre Victorienne et met aux prises Mary Shelley et Conan Doyle avec les personnages de leurs romans. Enfin, dans le Japon contemporain, un concepteur de jeux de simulations pour un parc d’attractions disparaît dans une machine quantique. Lorsqu’il en ressort, le monde a changé : Yukari, la petite fille de son assistante n’a pas été victime d’un accident de circulation …


Sur le papier, Ada laisse présumer un roman passionnant. L’épisode victorien avec la rencontre de Sherlock Holmes et du Monstre de Frankenstein en est un bon exemple. S’appuyant sur le roman de Mary Shelley, le célèbre détective démontre que l’assassin de la femme de Victor Frankenstein n’est pas le monstre, mais son créateur. Voilà qui rappelle furieusement les écrits de l’excellent René Réouven. Las, on assiste à un feu de paille, vite encombré de considérations scientifiques fumeuses sur la physique quantique. Va pour la théorie d’Everett et les considérations sur les mondes multiples. Mais quel charabia sur les "spiral" … Non l’univers n’est pas que quantique, il est aussi einsteinien. La fonction d’onde ne prévaut pas dans le monde macroscopique, en témoigne la difficulté du rédacteur de ce blog à réduire son embonpoint.


Le même reproche pourrait s’appliquer à l’épisode Shimizu. Un démarrage d’intrigue digne des armureries d’Isher (2) qui finit par s’enliser pour les mêmes raisons. On a le sentiment que l’auteur a tenté d’écrire un nouveau SIVA, roman de P. K. Dick mêlant intrigue et considérations métaphysiques. Cela ne prend pas.


Les notes de bas de page peuvent lasser le lecteur, leur sérieux et leur précision rappellent cependant que Ada est publié chez Actes Sud. Mais il va falloir que Exofictions prenne rapidement ses marques. La réédition d’ouvrages de Lafferty est une piste. Aujourd’hui les bons livres se raréfient, et les collections se multiplient. Cherchez l’erreur.







(1) William Gibson et Bruce Sterling - La machine à différences- Ailleurs et Demain

(2) A. E. van Vogt - Les armureries d’Isher – J’ai lu

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