dimanche 2 juin 2013

Le chasseur et son ombre

George R.R Martin - Gardner Dozois - Daniel Abraham - Le chasseur et son ombre - Folio SF






Jack Vance, un des géants de la littérature de science-fiction et de fantasy, vient de s’éteindre à l’âge de 96 ans, quasiment un an après Ray Bradbury. Il laisse une oeuvre picaresque et exotique suivant la formule consacrée, qui a inspiré des générations d’écrivains, de Robert Silverberg (1) à  George R. R Martin en passant par Moorcock. Comme Tolkien, la descendance de l’auteur de Cugel l’astucieux est innombrable.
En témoigne Le chasseur et son ombre un petit roman d’aventure signé par un trio fabuleux : Martin, Dozois et Abraham. La présence de Gardner Dozois, anthologiste, éditeur mais aussi écrivain subtil et  (trop) rare attire l’attention. Le résultat ne déçoit pas.
Ramon Espejo appartient à la colonie humaine d’origine sud américaine pour l’essentiel, installée sur la planète Sao Paulo. Il travaille comme prospecteur. C’est un être violent, impulsif et alcoolique. Des qualités hélas bien répandues, et bien comprises par des entités extraterrestres bienveillantes qui expédient Ramon et ses compatriotes dans tous les culs de basse-fosse de l’univers.
Un soir, au cours d’une beuverie dans la localité de Diegotown, celui-ci tue un ambassadeur d’Europe, un des satellites de Jupiter. Il s’enfuie dans la jungle inexplorée du nord de la planète et reprend son travail de prospection dans l’espoir que le temps écoulé enterrera l’affaire. Malheureusement pour lui il met accidentellement à jour une ruche d’extraterrestres qui cherche à se dissimuler des Enye, l’espèce dominante qui transbahute les Terriens à Sao Paulo.

Au-delà d’un pitch de western galactique, les auteurs ont élaboré le récit d’une rédemption, celle d’un être humain solitaire prenant conscience de sa monstruosité et se décidant à affronter les démons intérieurs mais aussi bien réels qui pourrissent son existence. On suit avec plaisir la progression du roman, depuis les errements dans Diegotown, la vie de couple désastreuse avec Elena, la paix retrouvée dans la jungle, les rencontres inopinées puis les premiers assauts de la conscience. Certes, les pérégrinations de Ramon et Maneck, l' E.T débusqué, héritent des chevauchées infernales des chasseurs de prime et de leurs prises dans le Far-West. Mais elles traduisent aussi l’effort de compréhension mutuelle de deux créatures étrangères. Ainsi en ont décidé les écrivains qui depuis Conrad et Silverberg expédient leurs personnages dans « les profondeurs de la Terre » (2), dangereuses autant que révélatrices…

Tout cela est bien construit, bien écrit, bien traduit. Un roman d’aventure traditionnel, ne manquant pas de rebondissement, mais au propos intelligent et humaniste. Bref, un éloge de l’oeuvre de Jack Vance.

 


(2)   Roman de Robert Silverberg.

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