samedi 5 avril 2014

Dilvish le Damné

Dilvish le Damné – Roger Zelazny – Folio SF





On a dit des combinaisons d’Alexandre Alekhine, légendaire champion du monde d’Echecs, qu’elles semblaient surgir de nulle part. Serge Gainsbourg employait les mêmes termes pour caractériser les oeuvres de Chopin. Peut être faudra t’il ajouter à la liste le Colonel de l’Est et son cheval d’acier…



L’ensemble des aventures de Dilvish le Damné réunies par Gilles Dumay en Lunes d’Encre et réédités en Folio SF ne constitue pourtant pas un sommet de l’œuvre de Roger Zelazny. Le cycle des Princes d’Ambre vient en effet à l’esprit, de même que le merveilleux Seigneur de Lumière ou L’île des morts. Or dès la lecture de la première des onze nouvelles du recueil, « La route de Dilfar », s’opère une espèce de magie onirique. Il y est question d'une armée défaite à Portroy par les troupes d’un certain Colonel de l’Ouest. Le chef vaincu, Dilvish, fuit la ville en direction de Dilfar et affronte successivement plusieurs ennemis. De ce récit initial, le lecteur ne retient qu’une cavalcade effrénée mais d’une beauté foudroyante. Des textes suivants émergeront progressivement l’histoire de Dilvish, son exil dans les Enfers, son désir de vengeance contre Jélérak le sorcier qui l’y a expédié. Voilà peut-être l’explication de la fascination exercée par l’oeuvre de Roger Zelazny : une contexualisation a minima au profit d’un imaginaire flamboyant concentré sur des scènes d’action. Cela profite aux nouvelles mais constitue un handicap sur le terrain romanesque, en témoigne Terres changeantes dans le présent volume. Il est vrai aussi que les successeurs de l’auteur du Maître des Ombres ne se priveront pas d’allonger la sauce avec des cycles de fantasy interminables.



Tel quel Dilvish le Damné comprend deux sous-ensembles. D’une part onze nouvelles, et d’autre part un roman Terres changeantes rédigé sur le tard dans lequel Zelazny tente de mettre fin à son cycle.
Autant les nouvelles se lisent sans déplaisir, comme « La cité divisée » qui évoque La ville est un échiquier de Brunner ou « Mérytha et son chevalier » belle comme un conte des frères Grimm, autant le long texte précité, inspiré de La maison au bord du monde de William Hodgson, souffre d’un manque de scénario. Dilvish pénètre dans un Château-hors-du-Temps, pour affronter Jélérak. Il n’est pas le seul. La forteresse abrite un Dieu très ancien qui attire nombre de sorciers espérant lui soutirer ses pouvoirs. Le postulat tient la route, mais les séquences s’enchaînent dans une certaine confusion.



Outre les nouvelles, on n’oubliera pas de sitôt Ténèbres, sorte de Jolly Jumper résigné aux imprudences de son maître, pardon, de son compagnon. A la question posée par Dilvish page 133, « Nous avons parcouru un si long chemin. Jusqu’où nous mènera t-il ? », répondons en humble lecteur :
Galope Ténèbres, galope sans fin Cheval d’acier, que nul ne te rattrape, Ennui, Mort ou Douleur !

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