lundi 7 décembre 2015

Le retour de Nathalie Henneberg



  La revue Galaxies Nouvelle Série consacre deux numéros, 37 et 38, à Nathalie Henneberg. Il n’en fallait pas moins pour à la fois monter un dossier et publier un roman posthume et inédit Khéroub des étoiles. Destiné au Masque SF, nous apprend Pierre Gévart, il resta dans les tiroirs en raison du décès de l’écrivaine en 1977  et de l’arrêt de la collection en 1981.
Les années passent, mais le travail de mémoire sur cet auteur ne s’interrompe pas. En 2006, la revue Lunatique, aujourd’hui intégrée à Galaxies, avait publié un essai de Charles Moreau (1). Il mettait un terme à cette légende d’une collaboration littéraire entre Nathalie et son mari Charles Henneberg, ancien militaire. On savait que cette Géorgienne, née probablement en 1910 (2) avait fuit la Russie lors de la révolution, puis vécu notamment en Turquie, au Liban, en Syrie … avant d’échouer finalement en Yougoslavie puis en France à Paris après son mariage. C’est alors qu’elle entama une carrière d’écrivain, abandonnant l’enseignement. Jusqu’ au décès de son époux en 1959, elle signera ses ouvrages du nom de celui-ci, sa signature semblant plus crédible.  « On ne naît pas femme, on le devient » disait Simone de Beauvoir… Son chef d’œuvre La Plaie parut en 1964. Elle continuera de publier jusqu’à la fin nombre de nouvelles et de space opera au Masque ou au Rayon Fantastique.

Il est temps de dire quelques mots de Khéroub des étoiles. Ecrit dans la douleur, à la demande de Jacques Van Herp, il raconte le combat de l’héritier d’un Empire galactique contre un ennemi, les Nautes, venu de la Constellation du Sagittaire. Si l’on ajoute que le livre a été rédigé en 1976 et qu’un des personnages se nomme Jedda, des yeux de lecteurs vont certainement s’arrondir… Plus sérieusement  on a un peu de peine à suivre l’intrigue, mais l’écriture flamboie. Il n’ y a qu’à se laisser emporter. On invoque souvent les auteurs russes classiques, mais l' incroyable floraison stylistique de Nathalie Henneberg ne doit rien à personne. Salammbô de Flaubert n’est pas loin, et le sang des poètes coule en elle, à l’image de cette tête de chapitre qui évoque Booz endormi de Victor Hugo : « Khéroub rêvait. Ou plutôt il faisait un songe. ». Admirons aussi ceci sorti tout droit d’une illustration de Frank Frazetta : « des félins noirs rodaient sur le parvis des temples et des statues des dieux planétaires versèrent des larmes de sang. Les pierres prophétisaient ». Quelques petites années plus tard Forteresse des étoiles de C.J. Cherryh m’est tombé des mains et trente après Vestiges de Laurence Suhner de même. Pourquoi le space opera, hormis quelques exceptions, dont le cycle de la Culture, est il devenu aussi ennuyeux ?

Les dossiers de Galaxies alternent études et souvenirs personnels. Mention particulière à l’exploration thématique de Marte Machorowski. Mention aussi à Pierre Gévart et Lucie Chenue pour le travail de restitution de Khéroub des étoiles. Aux éditions du Masque la serpe de Booz sifflait sans relâche et pas seulement pour les traductions !

Dans le sillage de Charles Moreau, les passeurs se succèdent, Pierre Gevart, Cyril Carau, Didier Reboussin, Jean-Pierre Fontana, voilà une très bonne nouvelle. La publication d'une intégrale récompenserait ces acteurs bénévoles. Quel éditeur se lancera ?









       (2) Cyril Carau page 59 Galaxies 38

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