mardi 19 avril 2016

Le Marquis de Bolibar



Leo Perutz - Le Marquis de Bolibar - Le livre de poche






A la mort d’un gentilhomme allemand, on découvre un mémoire relatant un étrange épisode de la guerre d’indépendance espagnole dont il fut l’unique survivant. Il relate la destruction mystérieuse des régiments de Nassau et du Prince de Hesse à La Bisbal, une commune de Catalogne, en hiver 1812. L’évènement oublié ou passé sous silence par les historiens ressurgit brutalement à la lumière des explications sensationnelles avancées par l’ancien officier.

En 1812 donc, dans la ville de La Bisbal, deux régiments allemands de l’armée napoléonienne établissent une ligne de défense contre l’ennemi espagnol. Les quartiers sont plutôt calmes, la population vaque à ses occupations ordinaires et les discussions des officiers oscillent entre les amours illicites de la défunte femme du colonel commandant la garnison, et les apparitions fantomatiques d’un certain Marquis de Bolibar soupçonné d’élaborer un soulèvement contre les troupes de l’Empereur. L’irruption de la nouvelle maîtresse de leur chef va enflammer les esprits et contribuer à conduire ces hommes à entreprendre une série d’actes déraisonnables et catastrophiques.

Pour  « la petite histoire », il y eut en septembre 1810 une bataille opposant, dans la commune qui sert de décor au récit de Perutz, une brigade française à une armée espagnole soutenue par une escadrille anglaise. Un certain Marquis de Campoverde s’illustra d’ailleurs dans ces conflits en prenant quelque temps la tête des troupes catalanes opposées à l’armée de Macdonald ; l’auteur y a peut être puisé le personnage du Marquis de Bolibar. Mais nous sommes bien ici dans une pure fiction dans laquelle démons et spectres se jouent des volontés humaines.

L’ouvrage n’est pas sans rappeler Le maître du Jugement dernier où un criminel insaisissable et surnaturel guide les mains et les esprits des meurtriers dans la tradition d’un certain théâtre antique et élisabéthain. On retrouve le thème de la substitution d’identité présent dans Le cavalier suédois. Perutz conduit son récit dans un crescendo qui voit la confusion s’installer dans les âmes des soldats alors qu’éclate une bataille aux accents de l’Apocalypse de Jean :
« le voilà qui arrive, le dominateur, l’être terrible qui va détruire ton royaume en ce monde ».

Pour mémoire l’ouvrage est publié en 1930. Décidément Léo Perutz n’en finit pas d’étonner les lecteurs.






PS : un mot sur la préface de Roland Stragliati. Le critique écrit ceci sur le roman: « le fantastique parvient constamment à se dépasser pour atteindre à un pathétique bouleversant, à une véritable grandeur.» Au nom de quoi la littérature fantastique devrait elle faire appel à d’autres moyens pour se dépasser ? Ne contient elle pas en elle même la substance propre à son élévation ? La divine Comédie ou Faust n’en sont ils pas des exemples éclatants ? N’est ce pas plutôt le réalisme qui doit faire appel à des éléments « hors réalité » pour se transcender ? Comment rendre compte de l’existence d’un être humain à la durée de vie limitée à quelques décennies occupées à parcourir quelques pas sur un globe orbitant autour d’un soleil vieux de 5 milliard d’années et lui-même poussière au milieu de 100 milliards d’étoiles groupées en autant de galaxies   ?

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